Toute improvisation réussie se doit de porter en elle un sentiment de connectivité, de ses premiers mouvements, jusqu’aux derniers : c’est à dire qu’elle doit donner le sentiment que, dans une sensation organique, pleinement vécue et directement ressentie, chaque instant de la représentation devient le prochain, qui devient lui-même le suivant, etc.

 

A partir de cette qualité, naît le sentiment de réalité de la pièce, parce qu’elle est non arbitraire. Les choses n’arrivent pas par hasard, elles sont inéluctables (mais également surprenantes). En cela réside la sensation que chaque élément constituant cette pièce lui est propre, indispensable, et ne peut appartenir à aucune autre. Si en tant que spectateur, on ressent à la fin de la pièce un sentiment de connectivité provenant de celle-ci, cela revient à dire qu’on a vécu une expérience de plénitude, profonde et significative, non pas comme si les acteurs nous avaient contraint à errer d’une façon aléatoire.

 

D’autre part, toute dis-connectivité au sein de la représentation, la plus légère et minuscule que ce soit, entraîne des conséquences désastreuses. Il faut s’attendre à perdre la confiance des spectateurs dans la scène, et ainsi, se voir redoubler d’efforts pour la regagner. Puisque l’artiste qui s’est déconnectée de la scène doit ensuite se raccorder à elle, elle fait naître le sentiment lassant que « la pièce recommence perpétuellement depuis le début », ce qui est aussi frustrant pour l’auditoire que pour les acteurs. Ainsi se perd ce sentiment magique que l’improvisation doit vous faire découvrir des connectivités dans une expérience organique et pleinement vécue.

 

Les conséquences d’un moment de rupture de la continuité sont si mauvaises qu’une actrice devrait s’imposer la règle stricte de bannir cette attitude. Dans sa préparation avant l’entrée en scène, elle devrait se répéter à elle-même quelques unes de ces propositions :

 

« J’ai l’interdiction totale de sortir du flux de la scène, même pas un instant, pour quelque raison que ce soit. » (En d’autres termes, je ne dois pas m’évader de la scène au profit d’une anxiété ou d’une pensée autre)

 

La démarche négative ci-dessus est un outil essentiel à la pratique de l’acteur, mais il existe également une technique plus positive. Vous pouvez vous entraîner à véritablement ressentir la connectivité de la scène.

 

Pour accomplir cela, il s’agit de choisir simplement votre propre version de cet entraînement:

 

« Tandis que je ressens le flux de cette scène que je m’apprête à interpréter, je serai particulièrement consciente de la connectivité de la scène. Je ressentirai de quelle manière les différentes textures, les différents états de ressenti, les différentes qualités deviennent les suivantes, selon la nature du changement, qu’il soit brutal, doux ou modéré. Je ne vais pas m’évader un seul instant car je ne quitterai pour rien au monde cet état de connectivité, et ainsi rater si peu soit-il de l’histoire de la scène.»

 

Expérimentez cela en adaptant cet entrainement à la forme particulière dans laquelle vous allez travailler, qu’il s’agisse de comédie, de drame, d’abstrait, de musical, etc.