Au sein de mon travail à Lake Ivan, je n’utilise pas de structure narrative, donc je me suis vite rendu compte qu’il était nécessaire de trouver par quoi la remplacer. Après tout lors d’une performance abstraite, si la pièce erre simplement de textures en textures, le public va arrêter de faire confiance aux acteurs 5 ou 6 minutes passées, sans même considérer a quel point les textures peuvent être fascinantes, surprenantes, ou bien jouées. Le public peut éventuellement développer le sentiment que cette pièce “erre, ne va nul part” et que ça leur fait perdre leur temps. Ils ont un besoin intérieur de sentir que les acteurs les emmènent intentionnellement en voyage, les menants pas à pas plus profond dans le coeur de quelque chose. En effet la scène marche mieux si le public ressent que chaque moment est concentré plus ou moins directement sur la poursuite de cette exploration.
C’est tout autant vrai dans une scène narrative que comique. La scène narrative semble avoir la forme de Qu’est Ce Qu’il Se Passe Ensuite : c’est qu’ils répondent continuellement à la question “qu’est ce qu’il se passe ensuite”. Néanmoins, tout ce que vous faite est de créer une longue liste d’événements séquentiels, alors il se passe la même chose que dans une pièce abstraite : il commence à sembler que la scène erre partout sans aucune raison. Une improvisation narrative a aussi besoin de vous emmener en voyage de plus en plus profondément au coeur de quelque chose.
C’est pourquoi, j’ai développé le concept de saturation. L’idée est que vous, l’artiste, êtes comme une éponge, votre but est de constamment ouvrir vos pores et de vous imprégner de plus en plus pleinement de l’émotion principale de la pièce que vous jouez. Notez que ce concept de devenir de plus en plus saturé ne veut pas dire que vous devenez de plus en plus “émotionnel”, ça ne veut pas dire non plus que votre performance devienne de plus en plus bruyante, de plus en plus rapide. Après tout, si l’état émotionnel de votre pièce est d’une calme tranquillité, plus vous vous laisserez transporter par cette énergie, plus vous serez calme et paisible et non bruyant ou rapide. Cela signifie simplement qu’à chaque respiration, chaque phrase, chaque battement de la scène, vous vous ouvrez pour ressentir de plus en plus intensément l’énergie de la pièce, que cette énergie soit petite, moyenne ou grande, émotionnelle ou non.
Mais quel est exactement ce sentiment auquel vous vous révélez? Vous n’avez pas besoin de le définir ou bien même de le comprendre. Il est simplement défini en tant que “l’émotion que la pièce expose maintenant au moment présent”. Vous restez connecté à ce sentiment, et cherchez continuellement à le ressentir de plus en plus pleinement, sans tenir compte de s’il change ou pas. Si le sentiment à exprimer dans la scène est une “indifférence prétentieuse”, et que vous vous imprégnez de ces sentiments, vous vous sentirez de plus en plus saturé par ces sentiments, ainsi il se peut que pour un moment vous vous sentiez de plus en plus indiffèrent et prétentieux. Ces même sentiments se transformeront peut être en rage, en ennui ou disparaîtront et laisseront place à une calme satisfaction. Ce que je veux dire est : vous ne vous éloignez pas de l’énergie, vous ne vous déconnectez pas de la source d’énergie, et jamais vous ne vous contentez de vous “asseoir” au même niveau de saturation pendant plus d’une phrase. Ainsi, vous continuez perpétuellement à vous ouvrir afin d’être capable de ressentir plus et plus saturé avec la phrase suivante. C’est ce que créé le “sentiment narratif”, le sentiment que chaque moment de la pièce emmène le public un pas plus loin dans un voyage avec un but.
Vous pouvez utiliser ce concept pour construire votre propre préparation à travers ces lignes:
“La scène que je m’apprête à jouer est une source d’énergie et de sentiments qui existe déjà dans sa forme parfaite. Mon rôle est de ressentir chaque moment de la scène. Avec chaque phrase, je m’ouvrirai et je serai ainsi encore plus saturé par le sentiment principal de la scène.”
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